Chaque année ou presque, c’est la même chose : je suis content de les regarder et puis à la fin, je me dis que j’aurais dû plutôt zapper sur « Le plus Grand cabaret du monde » ! (Heu... j’exagère !!!)
Car les Césars, à priori, j’aime bien…
Déjà, à moins d’être un(e) irréductible misanthrope ou un(e) incurable aigri(e), voir des gens sincèrement bouleversés de bonheur, ne peut faire que du bien ! Ensuite, l’espace d’une soirée, je me dis que « c’est possible », que moi aussi un jour, je vais rencontrer « un producteur formidable », même que j’aurais une « équipe formidable » et qu’on va vivre ensemble une « aventure formidable » ! (Dans mon futur discours, j’envisage de remplacer le mot « formidable » par « extra » ou «sublimissime» : qu’en pensez-vous ?! Bon d’accord, on en reparle…)
Comme tout spectateur, je me plonge avec un certain plaisir dans cette succession de « micros intrigues » : une remise des prix répond en effet parfaitement aux lois de la dramaturgie classique, mais avec un rapport au temps complètement inversé ! Révisons très brièvement ces fameuses lois :
- Le premier acte, généralement assez bref, fait découvrir au spectateur le principal enjeu, la problématique, l’objectif du héros…
> Ici on découvrira donc les nommés, ce qui pose de façon très clair l’enjeu : il y a un César à gagner et 4 prétendants : qui donc va l’emporter ?
- Le deuxième acte, toujours assez long, voit le protagoniste se battre pour atteindre son objectif jusqu’à la résolution de l’intrigue.
> ici, le deuxième acte ne dure que quelques misérables secondes puisqu’il s’agira simplement de l’ouverture de l’enveloppe jusqu’au « climax », soit l’annonce du nom du gagnant !
- Enfin le troisième acte dans un scénario est souvent très court, voire inexistant, puisqu’il s’agit, une fois l’intrigue résolue, de constater les éventuelles conséquences de l’histoire sur les personnages principaux.
> Oui, mais aux Césars, c’est l’acte le plus long, car ce qui nous intéresse, nous téléspectateurs, c’est d’assister au torrent d’émotion qui ne va pas manquer de saisir le lauréat et nous nous délecterons de ses larmes, de son discours haché, de ses remerciements à la fois dérisoires et sincères…
Et cette impeccable construction dramaturgique va ainsi se renouveler tout au long de la soirée : c’est pourquoi, à priori, tout est donc rassemblé pour que soit offert au téléspectateur son pesant d’émotions.
D’ailleurs nous avons effectivement été émus par les larmes de Hafsia HERZI, meilleur espoir féminin, et de Marion COTILLARD. Nous avons également été touchés par l’énergie – certes attendue – de Roberto BENIGNI, par les discours toute en finesse de Laurent STOCKER (meilleur espoir masculin) et du réalisateur allemand francophile de « La Vie des autres », Florian HENCKEL VON DONNERSMARCK ; sans oublier la belle prestation de Jeanne MOREAU qui avec des mots simples, a su nous rappeler opportunément à quel point, le cinéma est un art merveilleux…
Oui mais en dehors de ces petits moments lumineux, la soirée a laissé transpirer un immense malaise… Et le naufrage fût tel que les raisons en sont multiples :
D’abord, il y eut beaucoup d’absents…
Lorsque que pour les Césars du meilleur acteur et de la meilleur actrice, on découvre, horrifiés, que la moitié des personnes nommés ne sont pas dans la salle et bien le téléspectateur, lui bien présent et qui a donc renoncé à écouter à la radio son « PSG - MONACO », ne peut que ressentir une légitime déception. Et le fait que ces acteurs(rices) soient en tournage est bien entendu une excuse totalement bidon : un plan de travail, ça s’aménage, il suffit de le demander gentiment au premier assistant... « Et pis c’est tout !»
La meilleure preuve est qu’aux Oscars, je peux vous assurer que les nommés sont bien présent, eux ! Et même si pour honorer ce rendez-vous capital, ils doivent traverser la vallée de la mort sur deux béquilles, sans chapeau de soleil, et avec leur meilleur ami obèse et grabataire sur le dos, et bien ils seront là !
Il y aussi les absents qui eux, ont une bonne excuse, c’est qu’ils sont morts… Alors bien sûr, ce n’est pas de la faute de l’organisation si la costumière primée pour « La Môme » , Marit ALLEN, est décédée, tout comme l’acteur principal de « La vie des autres », Ulrich MÜHE, mais disons que ça plombe un peu l’ambiance…
Il y aussi ceux dont le comportement nous insupporte, je veux parler de Julie DEPARDIEU, venue sur scène recevoir son prix avec sa copine Ludivine SAGNIER nommée dans la même catégorie pour le même film, et dont le fou rire inexpliqué nous a laissé de marbre. Et que dire de l’impudique hommage de DELON à Romy SCHNEIDER ?!
Mais tout ceci, ce sont les impondérables (et les joies !) du direct et on n'y peut rien !
En revanche, penchons -nous sur ce qui est maîtrisable, soient l’animation, la mise en scène de la soirée elle-même, et là, il y a beaucoup à dire …
Alors j’admets bien volontiers que la tâche est ardue. Déjà parce qu’il y a une double cible : faut-il écrire et mettre en scène la cérémonie pour les téléspectateurs ou pour ce public, si particulier, des « professionnels de la profession » ?! Oui mais au risque de me répéter, aux Oscars, ils y arrivent bien, eux, alors quoi ?!
Ce public de pros est certes le pire public qui soit. D’ailleurs Antoine de Caunes, que j’apprécie généralement beaucoup, a tenté un gag en faisant venir une caméra sur scène, sensée nous faire partager sa vision et ses angoisses d’animateur : le spectateur lambda n’a vu qu’une salle de théâtre pleine… Alors que pour avoir souvent assister à des projections privées, il est difficile d’expliquer l’incroyable malaise qu’on y ressent, tant l’atmosphère y est glaciale, traversée d’ondes négatives difficile à expliquer, sauf peut-être par cette anecdote célèbre d’un réalisateur de la SRF (Société des Réalisateurs de Films) qui expliquait la jalousie maladive de toute une profession par ces mots :
« Quand je me rends à une projection privée voir le film d’un confrère et que le film est nul, JE me fais ch... »
« Quand je me rends à une projection privée voir le film d’un confrère et que le film est bien, CA me fait ch... »
A mon sens, c’est justement parce que ce public est exigeant, voire malveillant, qu’on se doit d’y croire et de s’engager à fond, seule issue si l’on veut avoir une chance de gagner la partie !
Mais vendredi, j’ai franchement eu l’impression que les responsables de la soirée partaient battus d’avance.
Déjà, arrêtons de se cacher derrière les gags qui ne fonctionne pas : plusieurs fois Antoine de Caunes, faussement rigolard, nous a ainsi pris à témoin à propos d’une blague qui n’avait pas même provoqué un sourire dans l’assistance. Il faut peut-être faire preuve d’un peu de courage et reconnaître que si le public reste de marbre, c’est juste que le sketch n’est pas drôle…
- Par exemple, pour expliquer l’absence cette année de la maîtresse de cérémonie habituelle, Valérie LEMERCIER - un point de départ de sketch pas plus stupide qu’un autre – nous avons retrouvé la dite Valérie déguisée en Edith PIAF / Marion COTILLARD qui donc ne pouvait pas présenter les Césars car en partance pour Los Angeles puisque nommée aux Oscars ! Est-il possible de trouver une situation plus tirée par les cheveux ?! Franchement non…
- Un peu plus tard, le sémillant présentateur proposa un interlude : une armée d’hommes tenant chacun
un chien en laisse débarqua sur le plateau. Ce "gag" purement absurde, sans aucun rapport avec le thème de la soirée, a laissé le public et les téléspectateurs sans réaction ; heureusement que les chiens, eux, semblaient heureux de se dégourdir un peu les pattes !
- De même nous fûmes conviés par Antoine à voir - exceptionnellement - ce qui se passe dans les coulisses des Césars, du côté des lauréats. Là aussi, un bon thème, malheureusement mal exploité ! Nous découvrons en effet tout un groupe de personnes en train de faire la fête de façon désordonnée et délirante : bonne idée, mais pour que ce soit drôle, il aurait fallu mettre en lieu et place de l’armée de figurants, les DELON, DEPARDIEU, TAUTOU, DENEUVE, JAOUI, MARCEAU, BEART, CANET et consorts…
Autrement et bien c’est joué « petit bras » et donc ce n'est pas drôle !
Ajoutez à cela l’immense malaise que chacun a ressenti à la toute fin de la cérémonie, lorsque le réalisateur, sûrement lecteur de « Closer », s’attarde complaisamment sur la détresse physique d’un vieux géant du cinéma français qui a toutes les peines du monde à descendre les marches.
Le lendemain, on a appris que Luc BESSON ne viendrait plus jamais aux Césars, même si un de ses prochains films était en lice, estimant que c'est vraiment « petit bras » et que toutes ces congratulations sont sans intérêt.
Ben mon Lucio, force est de constater que tu as là parfaitement résumé le sentiment général à l’issue de cette pitoyable soirée :
Alors non pas Ave mais Adieu César !
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