Donc Paris est entièrement tapissé de l’affiche de ce film…
Affiche énervante à bien des égards, mais je voudrais ici et maintenant vous entretenir de ce titre effroyable ! Car si ce film essaie d’attirer mes faveurs avec ce titre : « DETROMPEZ-VOUS », et bien je sens monter une irrépressible envie de ne pas y aller, sauf et uniquement sauf, s’il s’agissait d’un film de Tim BURTON d’après un scénario de Billy WILDER avec Marlon BRANDO, ARLETTY, Buster KEATON et Steve BUSCEMI !
Car que ressentez-vous quand quelqu’un vous dit : «Détrompez vous ! » : Tout simplement un certain agacement ! « Détrompez vous ! » est une expression qui dit de façon polie, voire obséquieuse : - « Tu t’es complètement vautré(e), voici la vérité vraie, retiens la bien dans ta cervelle de moineau afin de paraître moins minable la prochaine fois ! » De surcroît, « Détrompez vous ! » est une expression qu’on utilise avec quelqu'un qu’on connaît peu et/ou qu’on n’aime pas beaucoup.
Alors que chacun sait que l'être humain déteste les remontrances car il est probablement la créature terrestre la plus orgueilleuse qui soit ! (A égalité avec le crocodile d’Australie : je le sais, car un été, j’étais sorti imprudemment avec une femelle et son fiancé de l’époque, ulcéré, m’avait alors provoqué en duel dans le marécage...)
Bref, j’en conclu qu’un tel titre – si peu amical - a été choisi pour ne pas donner envie aux gens d’aller voir ce film…
J’en entends déjà parmi vous me souffler - c’est pourquoi je colle mon oreille droite tout contre mon écran - : « Oh P-F, tu exagères !». A ceux-là, je réponds : « Détrompez-vous ! » Heu… Enfin, je veux dire… : d’une part, exagérer représente à mes yeux l’un des plus grands plaisirs de la vie. Ensuite, me revient en mémoire une interview de Pierre RICHARD qui racontait, hilare, avoir intitulé l’un de ses films « DROIT DANS LE MUR », pour constater juste après la sortie du film que cette prémonition s’était avérée juste ! Mais plongeons-nous un peu dans la grande histoire du cinématographe : vous allez voir c’est clair comme de la Rochas…
Par exemple, à votre avis, est-ce que les films suivants ont marché ?
- ECHEC ET MORT (B. MALMUTH / 1990)
- L’ENNUI (C.KAHN / 1998)
- MAUVAISES FREQUENTATIONS (J.P. AMERIS / 1999)
- MAUVAISE PASSE ( M. BLANC / 1999)
- UNE JOURNEE DE MERDE (M. COURTOIS / 1999)
Bien sûr que non…
Et à contrario, même question pour les films suivants :
- JE VOUS AIME (C. BERRI / 1980)
- LE MAGNIFIQUE (P. de BROCA / 1973)
- LE MEILLEUR (R. REDFORD /1984)
- ON IRA TOUS AU PARADIS (Y. ROBERT /1977)
- RIEN QUE POUR VOS YEUX (J. GLEN / 1981)
- TOUT LE MONDE IL EST BEAU, TOUT LE MONDE IL EST GENTIL (J. YANNE / 1972)
- TOUT VA BIEN (JL GODARD / 1972)
CQFD : Et bien oui, vous avez compris : tout réside dans le titre ! La véritable CLÉ DU SUCCÈS est là : il suffit d’imaginer un titre formidablement positif et/ou affectueux, qui caresse bien dans le sens du poil le spectateur et à vous les millions d’entrées ! Et le contraire, comme je l’ai démontré - magistralement - est tout aussi vrai. Examinons un peu le parcours de quelques-uns qui ont compris ça, même un peu avant nous…
Prenons par exemple le très joli succès du premier film d’Isabelle MERGAULT qu’on peut attribuer à 99% - selon mes scientifiques estimations - à son titre, certes un poil putassier mais surtout formidablement agréable : « JE VOUS TROUVE TRES BEAU ».
Un autre petit futé, c’est bien entendu l’incroyable Jean-Pierre MOCKY. En 1979, il espère de tout cœur un échec et arrive facilement à ses fins en nous sortant un film au titre imparablement repoussant: « LE PIEGE A CONS ». Trois ans plus tard, il sort un nouvel opus curieusement intitulé : « Y A T-IL UN FRANCAIS DANS LA SALLE ? » qui, bien sûr, ne rencontre un certain succès uniquement hors de nos frontières. Enfin redevenu raisonnable, MOCKY a alors l’idée de génie de sortir en 1984 « LE PACTOLE », le bien nommé…
Dans la même veine, on note l’intéressant mais timide « AH SI J’ÉTAIS RICHE » (M. MUNZ et G. BITTON / 2004) qui n’a pas rendu ses auteurs plus fortunés, la faute à ce titre beaucoup trop conditionnel qui a probablement empêché le succès d’être au rendez-vous. Il suffisait pourtant d’appeler ce film : « JE SUIS PLEIN AUX AS » ou bien encore « J ‘AI DU FRIC EN VEUX-TU, EN VOILA ! » et la foule se serait alors battu pour entrer dans les salles ! Dommage ! Même erreur pour Jerzy SKOLIMOWSKI qui, en 1984, sort le trop timoré « SUCCES A TOUT PRIX ». Son film se serait appelé tout simplement « LE SUCCÈS » ou mieux encore « LE TRIOMPHE » et le voilà qui s’envolait au sommet du Box-Office !
Evoquons ensemble la mésaventure arrivée à Charles NÉMÈS qui, en intitulant son film « LE CARTON » (2004), tenait là bien sûr le succès du siècle ! En contemplant, émerveillé, le titre du film qui venait de jaillir de son cerveau, Charles savait qu’il avait fait le plus dur et n’avait plus à se soucier ni de la qualité d’un éventuel scénario, ni de sa mise en scène, toutes deux superflues pour toucher le big jackpot ! Au lieu de travailler sur son film, la légende raconte qu’il passa ses journées à commander moult Ferrari et quelques yatchs lorsqu’il réalisa, éberlué, que le total de ses « entrées France » arrivait péniblement à 301100 ! Il se jeta alors sur un vieux Larousse et apprit à cette occasion le double sens du joli mot «carton », raison pour laquelle de nombreux spectateurs avaient préféré déménager des salles qui passaient son film avant même d’y être entrés…
En revanche, c’est peu dire l’admiration que j’ai pour Giuseppe TORNATORE qui, en 1989, nous sort le titre qui reste encore aujourd’hui comme LA référence : je veux parler du prodigieux « CINEMA PARADISIO », au succès planétaire assuré et donc confirmé.
Lorsqu’il y a, comme ici, une loi immuable, il y a bien sûr la fameuse «exception qui confirme la règle…». On en comptabilise d’ailleurs deux, tout à fait phénoménales, tant par leur titre plus que suicidaire que par le succès rencontré : je veux parler de l’improbable « COURAGE FUYONS » (Y. ROBERT / 1979) et aussi bien entendu de « L’ARNAQUE » (G. ROY HILL / 1974) qui tous les deux, reconnaissons-le, avaient délibérément mis tous les atouts de leur côté pour faire un bide retentissant ! Malheureusement, leurs efforts sont restés vains…
Enfin, toujours au rayon des étrangetés, il est à noter que le film « BAISE MOI » (V. DESPENTES et C. TRINH THI / 2000) a surtout vu une augmentation sensible du nombre de grossesses chez les caissières de cinéma de moins de 45 ans et que le rocambolesque « A QUOI TU PENSES-TU ? » (D. KAMINKA / 1991) a donné bien des migraines à pas mal de profs de français, bien en mal d’expliquer à leurs élèves cet audacieux double positionnement du pronom personnel de la deuxième personne du singulier…
Et vous, quels titres de films vous font particulièrement halluciner?! C'est vrai, la matière est immense...
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