Un scénariste est toujours à la recherche de la performance, du moins des conditions qui vont lui permettre d’être créatif, d’être « dans le flux » et d’y rester. Ainsi, une composante souvent ignorée, à mon avis à tort, est l’ambiance sonore.
Jusqu’à présent, j’ai toujours préféré le silence à la musique. Excepté en 1999 / 2000 où, durant un an, je travaillais à temps plein en duo avec un autre scénariste : nous avions instauré un rituel sonore. Chaque matin, après un petit café et la lecture de la presse, nous mettions systématiquement les 3 mêmes CD, toujours dans le même ordre, les B.O. de La Ligne Rouge, Princesse Mononoké et Gladiator. Et je dois dire que ce fût efficace : au bout de quelques semaines de conditionnement à ces 3 musiques envoûtantes, nos cerveaux, habitués, se mettaient en mode créatif dès que résonnaient les premières notes du merveilleux film de Terence Malick. En dehors de cette expérience particulière, j’ai toujours été incapable d’écrire quoique que ce soit en musique, en chanson encore moins ! (Mon crétin de cerveau, toujours prêt à saisir la moindre occasion de ne pas s’y mettre, s’accroche alors au rythme et/ou au refrain de la chanson et alors là, bonne chance…).
En revanche, je sais que de nombreux auteurs, notamment des romanciers, écrivent UNIQUEMENT en musique. Le plus souvent, ils choisissent une musique en rapport avec le ton, l’émotion du passage en écriture, pour mieux se projeter à l’intérieur. Mais moi, pas du tout ! Le souci est que le silence ne me convainc pas complètement. Il me fait un peu peur, voire me stresse… Ainsi malgré mes nombreuses tentatives d’écrire en bibliothèques (municipales, Beaubourg, Bibliothèque du Cinéma ou de la SACD, etc.), je n’ai jamais sorti UNE SEULE LIGNE ! Incroyable ! Je me sens dans ce type d’endroit comme asphyxié… J’ai toujours attribué cette incapacité chronique au fait que ces bibliothèques sont peuplés d’universitaires qui réfléchissent, donc travaillent tous avec leur cerveau gauche alors que moi, je descends au fond de la mine, seul contre tous avec mon cerveau droit : le match est inégal… Mais je me demande maintenant si le problème ne vient pas plutôt du silence très particulier qui règne dans ces sanctuaires de l’intellect. A contrario, j’aime écrire dans des lieux bruyants comme par exemple, un café, un train ou un métro. Qu’importe du moment qu’il y ait du bruit et que si des gens parlent, je ne puisse suivre leur conversation…
Mais depuis quelque temps, je crois avoir trouvé le compromis idéal, mon truc à moi ! J’écris avec en bruit de fond, la station de radio TSF Jazz. Et je me régale… C’est à dire que je n’ai plus à faire face à ce silence un peu glaçant, au contraire, cette musique toujours bondissante (que j’aime depuis longtemps par ailleurs) m’enlève toute pression. Le jazz étant par essence joyeux, créatif, inattendu, il « glisse » délicieusement à mes oreilles. A l’inverse d’une chanson qui vous accapare, cette musique est une sorte d’invitation permanente à se lâcher, à y aller, à ne plus avoir peur…
En tous les cas, avant même d’allumer mon ordi, mon premier réflexe est désormais de me brancher sur cette radio et je ne suis pas prêt de changer cette bonne habitude. J’ai appris que les chirurgiens, lors des opérations, mettent eux aussi en bruit de fond de la musique, ce qui aide grandement leur concentration : c’est exactement ce que je ressens, avec au bout de mon clavier, toutes les touches comme autant de scalpels, en vue de scénarios magnifiquement ciselés, je m’y emploie en tous cas…
P.S. : Petit bémol, même s’il y a relativement peu de pub, entendre une réclame pour Darty ou Groupama entre Lionel Hampton et Nina Simone reste une expérience singulière…
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