Sorry pour ce titre grossier mais j’ai tellement envie de pleurer, de hurler, de mordre dans mon clavier qu’il fallait bien que je me lâche un peu. (De plus, si ça se trouve, avoir le mot « cul » peut me valoir la visite de quelques internautes égarés à la recherche de quelques films de c… justement.)
Mais je m’éloigne… J’étais donc très impatient de découvrir « Le Havre » : déjà parce que grand amateur des films de A. Kaurismäki et ce depuis un paquet de temps - à voir absolument : « Shadows in Paradise » (1986) méconnu et magnifique - j’avais vu « Le Havre » revenir de Cannes couronné du très prestigieux Prix de la Critique Internationale, ajoutez à cela le Prix Louis Delluc, n’en jetez plus ! Connaissant mon scepticisme envers la critique en général, cette succession de récompenses de la part de ces étranges spectateurs professionnels auraient dû me mettre la puce à l’oreille, ben même pas !
Le choc n'en fût que plus terrible… Je parle bien ici de choc et non de déception. En résumé : personnages caricaturaux au possible, histoire manichéenne et bourrée de bons sentiments, cadrages et montage approximatifs, mise en scène molle, etc.
Dès la première séquence, on appréhende la catastrophe : 2 cireurs de chaussures scrutent le client aux
abords d’un quai de gare. L’image est laide, les cadres sans relief aucun, et surtout, on ne croit à rien, on voit tout de suite que les acteurs font semblant, qu’ils ne sont rien ni personne, qu’ils jouent à… Bien sûr, on n’est pas obligés d’être dans le réalisme, on peut aussi camper ses personnages à travers des archétypes, jouer la parodie, etc. Mais si c’était le cas ici, où sont l’humour, le second degré, le décalage ?! A force d’être, ni dans le réalisme ni dans le second degré, Kaurismäki ne situe son oeuvre nulle part et son film est donc un havre non pas de bonheur mais d’ennui, pire de mièvrerie. Alors je cherche désespérément où tous ces critiques ont vu « une ode à la liberté », « un film d’une rare poésie », « un petit chef d’œuvre », « une merveille » ?! Filmer une Renault 16 alors que l’histoire se passe en 2006, est-ce suffisant pour créer de la poésie ?! Mettre en scène André Wilms qui joue « à côté » une réplique sur deux, est-ce de l’art ?! (Et je ne parlerai pas ici de la prestation de J-P Léaud par pure charité chrétienne.) Pour moi, ce film ressemble à une escroquerie, le type même de film où un gros paresseux tente de nous faire croire qu’il fait de l’art alors qu’il roupille, affalé sur sa chaise de réalisateur ! Et au regard de son immense (et incroyable !) succès critique, il y a malheureusement peu de chances que l’auteur de cette diarrhée audiovisuelle se remette en question. Une seule chose à sauver, néanmoins, la performance de J-P. Darroussin, qui, malgré des dialogues improbables, parvient à garder le cap grâce à un jeu minimaliste : respect J-P !
Au final, la question qui me taraude est moins de savoir comment quelqu’un d’aussi talentueux (intrinsèquement) peut faire un film aussi mauvais que pourquoi la critique a-t-elle si mauvais goût ?! On pourrait of course me rétorquer que c’est moi qui ai de la m… dans les yeux. Dont acte. De toute façon, pareille mésaventure m’était d’ailleurs déjà arrivée mais cette fois, avec mes confrères scénaristes. Pourtant, au-delà du côté bâclé du film, mon émotion est en réalité plus provoquée par le fond que par la forme. Ardemment défendu par les journaux dits « de gauche », le discours de ce film me semble au contraire nauséabond, portant un regard sur les couches sociales défavorisées qui me dérange. Les pauvres sont en effet dans ce film tous, absolument tous, gentils, doux et fraternels : c’est bien connu que le manque d’argent développe chez tout un chacun le bonheur, la gentillesse, l’altruisme. Et que la pauvreté n’engendre aucun stress, aucune blessure, aucune agressivité... Le discours sous-jacent du film est donc : « Tout va bien les gars : les pauvres sont contents, donc surtout, ne changeons rien ! ». (Ooops ! Passez moi le seau, je crois que je vais vomir…)
P.S. Un peu plus tard, l’estocade m’était portée par un article de l’heddo « Ecran Total », qui dans son observatoire de la satisfaction du public à la sortie des salles, crédite ce film de 71% de très haute satisfaction et 92% de haute satisfaction, ce qui est énorme : on parlera d’un public fortement lobotomisé par une critique partisane ou d’un plantage total de votre serviteur, à vous de décider…