A l’occasion du soixantième anniversaire du Festival de Cannes, le président Gilles JACOB avait demandé à 33 cinéastes de faire un film de trois minutes sur le thème de la salle de cinéma. (Le DVD ne contient malheureusement pas l’opus de David LYNCH, pourtant présent dans la version de ce film intitulé « Chacun son cinéma » et sorti en salles le 31 octobre dernier.)
C’est une expérience très excitante et aussi un peu étrange d’avoir autant de monde « à sa table » : je veux dire qu’aller au cinéma, voir le nouveau film d’un cinéaste qu’on aime, c’est un peu comme de dîner en tête en tête avec un ami. (Je sais, c’est un peu naïf comme définition mais j’assume ! Et j’en profite pour lancer un appel à mon pote Tim BURTON : « Tim, j’ai très envie d’aller déguster une côte de bœuf ou une fondue setchouanaise avec toi, alors c’est quand tu veux pour ton next movie ! Thanks !)
Alors là, avec plus de trente convives, ça devient carrément un banquet, ce qui permet aussi de rencontrer des cinéastes qu’on irait pas forcément voir autrement. (J’ai toujours un peu de mal à me bouger les fesses pour aller rencontrer KIAROSTAMI ou DE OLIVEIRA et ce n’est d’ailleurs pas ce que j’ai vu là qui va me faire quitter mon rocking-chair mais bon…)
Finalement, la surprise, c’est qu’il n’y en a pas !
Je veux dire que ce soit en 3 minutes ou en 2 heures, la personnalité et le talent des cinéastes sont – évidemment – les mêmes ! Alors comme d'habitude, CRONENBERG nous met mal à l’aise, Gus VAN SANT nous parle une nième fois de l’adolescence et KAURISMAKI, des gens modestes ; ZHANG YIMOU se montre virtuose et MORETTI malicieux, ANGELOPOLOUS est lent et WONG KAR WAI esthétisant, EGOYAM est novateur et LELOUCH sentimental, etc…
A contrario, Lars VON TRIERS ne passait pas pour l’apôtre ni du burlesque ni du cinéma « gore » tandis que les frères DARDENNE n’avaient jamais œuvré dans le conte absurde et pourtant là…
Une autre évidence frappe en regardant tous ces films de 3 minutes chacun, même si elle concerne un phénomène éculé : la relativité du temps ! C’est incroyable comme certains films m’ont paru longs, longs comme la queue à la boulangerie le dimanche matin à la sortie de la messe ou une émission de Michel DRUCKER pourtant diffusée en accéléré…
Il est aussi à noter que deux cinéastes, probablement distraits, n’ont pas crû devoir répondre à la demande, puisque DE OLIVEIRA s’est intéressé à la rencontre improbable entre KROUTCHEV et le pape Jean 23 ( !) ; tandis que CHAHINE a préféré faire un film entièrement à sa gloire, avec comme dernier plan une image arrêtée sur sa personne saluant la foule lors de la remise de son prix à Cannes en 97 ! Il est troublant de remarquer également le nombre important de cinéastes qui ont choisi d’apparaître dans leur film ou comme une furieuse envie – pour une fois – de passer DEVANT la caméra…
D’un point de vue narratif, il est intéressant de constater que les cinéastes - pour évoquer la salle de cinéma - ont construit leur film en utilisant souvent le « avant » et le « pendant » la projection mais quasiment pas le « après » : alors qu’il me semble que c’est pourtant là que se situe le moment clé du spectacle cinématographique ! Je ne sais pas comment vous vivez ce moment mais lorsque le film se termine - que j'ai dégusté jusqu’au dernier photogramme du générique - je me lève et je me dirige vers la sortie et c’est à cet instant précis, dans le « sas » entre imaginaire et réalité, juste avant que la salle ne me vomisse dans la rue, que systématiquement, et même si je viens de voir la plus réjouissante des comédies, qu'une petite angoisse me saisit... Comme je crois, beaucoup de spectateurs, j’opère donc mon retour à la réalité à reculons.
Un seul cinéaste parmi les 33 s’est intéressé à cet instant si fort, INARRITU, (l’auteur en 2004 du merveilleux « 21 grammes ») et, comme par hasard, il semble que son court-métrage, de l’avis général, soit l’un des plus bouleversants.
Mais je vous donne rendez-vous lundi pour un réjouissant petit palmarès non pas « cannois » mais bien « garennois* » !
Enfin, un grand merci à ceux qui ont répondu à mon appel à la fin de mon article d’hier et vous avez jusqu’au jeudi 29 novembre minuit pour me faire vos propositions.
Alors merci encore et à très vite !
* : Nom des habitants de la Garenne-Colombes…
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